L'objet de ce livre est d'offrir un aperçu d'ensemble des métamorphoses du droit français pour comprendre le sens de l'évolution générale et ouvrir des pistes prospectives.
La thèse qu'il sous-tend est que le droit français est une notion non pas juridique mais politique. Fruit d'une gestation longue et incertaine, à l'instar du royaume capétien et de la Nation française, qui en est sorti, ses débuts ont été modestes. Puis il a fini par acquérir une remarquable cohérence au confluent des XVIIIe et XIXe siècles et se hisser à un très haut niveau, sans doute le plus élevé jamais atteint depuis le droit romain, grâce à des régimes autoritaires qui ont su s'entourer de juristes de qualité ayant eu pour eux le temps et les moyens. En d'autres termes, ce droit est né d'une idée avant de devenir, heureusement servi par les circonstances, un modèle de première importance. Mais ce système juridique aujourd'hui se délite.
Cette décadence est-elle vraiment irrémédiable où est-ce une crise grave qui pourra être surmontée demain ? Ce sont des questions auxquelles il est impossible de répondre avec une absolue certitude. Mais il ne fait aucun doute que sans une modification du cadre d'ensemble, caractérisé par une pénétration croissante des règles communautaires et européennes dans l'ordre juridique interne, ainsi que par un assujettissement grandissant à une mondialisation incitant à l'alignement sur les solutions juridiques les plus libérales, le droit en France aura perdu ses traits distinctifs essentiels, comme le droit de la Louisiane s'est en grande partie dissous dans le droit des Etats-Unis. On verra émerger sur ses décombres un jus commune qui restera sujet à des variations locales secondaires. Il n'y aura rien là de bien dramatique, d'autant qu'à l'échelle universelle le pluralisme juridique sera vraisemblablement appelé à subsister. Il restera un droit en France, mais le droit français aura vécu.