La France compte actuellement plus de quatre millions de fonctionnaires, nationaux ou liés aux collectivités territoriales.
Ils consomment à eux seuls une énorme partie du budget national. Faut-il les regarder comme une masse inerte et parasitaire, formée d'individus inquiétants comme chez Kafka ou prêtant à rire comme chez Courteline ? Les fonctionnaires sont-ils voués à la mentalité bureaucratique, dangereusement proche de la "bourreaucratie" ? Sont-ils réfractaires à la relation inter-humaine, inaptes au dialogue, dénaturant l'intérêt général qu'ils sont censés servir pour la satisfaction de leurs seuls intérêts catégoriels ? Les études réunies dans le présent ouvrage qui complète celui consacré aux Grands problèmes politiques contemporains s'inscrivent à rebours de ces stéréotypes, sans nier les faits qui les alimentent.
En ce sens l'Administration publique est considérée comme un élément déterminent de la transformation radicale de la relation administrative, et donc civique, entreprise en France depuis les années 70 à l'enseigne de "la troisième génération des droits de l'homme". Certes, cette entreprise se heurte aux effets persistants des crises qui se sont déclarées à sa naissance et qui l'accompagnent depuis : chômage, précarité sociale, désarroi identitaire, complication des niveaux de responsabilité, réduction des marges de manoeuvre budgétaires. Pourtant, aucune gouvernance en temps d'épreuves ne peut réussir sans l'engagement et le concours d'une Administration qui ne soit pas seulement une machine, serait-elle de plus en plus cybernétique, mais qui soit aussi une instance éthique. L'éthique se définit alors, a minima, comme la défense des êtres sans-défense et des citoyens nominaux. Elle enjoint l'accompagnement des plus faibles dans les terrains vagues de la "modernité sauvage". C'est par l'action administrative éthique que les droits de l'homme s'inscrivent dans la réalité quotidienne et que l'éthique elle même devient effective. Une fonction publique éthique est donc une chance pour la Nation qu'elle sert dans une Europe qui cherche ses repères. L'une des responsabilités de la science administrative est d'en éclairer les fondements, les configurations institutionnelles avec les comportements qui l'authentifient. Et c'est à ce titre qu'elle vaut d'être également considérée comme une science de l'Homme.